L’élection présidentielle de 2024 qui se profile risque d’être paradoxale pour les suffragants sénégalais. En pleine année pré-électorale, aucune des coalitions de partis les plus représentatifs dans l’électorat national ne peut garantir que son candidat supposé ou réel prendra effectivement part à la compétition, que ce soit Benno Bokk Yakaar, Yewwi Askan Wi ou Wallu Sénégal. Nonobstant le tamis du parrainage citoyen, ce flou semble savamment entretenu par un pouvoir qui s’évertue méthodiquement, via toutes les ressources de la Loi, à «réduire l’opposition à sa plus simple expression», quitte à annihiler toute volonté de leadership alternatif en son sein même. Le cas de Mimi Touré en est une parfaite illustration. Chronique de la lente descente aux enfers des challengers les plus « massifs » de Macky Sall à la magistrature suprême.
A moins de douze mois de la présidentielle de 2024, et pour la première fois au Sénégal, nul ne peut affirmer avec certitude qui sera sur le starting-block. Ni le Président Macky Sall, président de la majorité, dont la troisième candidature reste contestée par certains, ni Ousmane Sonko (le leader le plus en vue de l’opposition, du moins sur le terrain politique) qui n’en a pas encore fini avec ses dossiers judiciaires, encore moins Khalifa Ababacar Sall de Taxawu Sénégal (ancien maître de Dakar de 2009 à 2018) ou Karim Wade du Pds (ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012). Ces deux derniers qui restent suspendus à une éventuelle amnistie ne peuvent au regard de la loi prétendre qu’ils seront candidats. D’ailleurs, le cas de Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, candidat du Pds à la présidentielle de 2019, est déjà un cas d’école. Placé en détention préventive à Dakar en avril 2013, reconnu coupable du délit d’enrichissement illicite et condamné à six ans de prison ferme et à plus de 138 milliards de Francs CFA d’amende, selon la décision lue le lundi 23 mars 2015 par le président de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale, il a été gracié par un décret du Président Macky Sall en juin 2016. Karim Wade quittera le Sénégal pour le Qatar peu après sa libération dans la même nuit. Il y demeure toujours en tant que non électeur puisqu’il a été déchu de son éligibilité.
Idem pour le cas de l’ancien premier magistrat de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, qui a été accusé de «détournement» sur la caisse d’avance de la mairie de Dakar et placé en détention, le 7 mars 2017. Au terme d’un procès qui aura duré près de deux mois et demi, Khalifa Sall a été condamné à 5 ans de prison ferme avant d’être révoqué par le chef de l’Etat. Comme Karim Wade, lui aussi a été libéré par grâce présidentielle datant du dimanche 29 septembre 2019. Une «remise totale des peines principales» pour l’ancien maire de Dakar et pour deux de ses coaccusés. Seulement, cette grâce ne concerne que la peine de prison, à l’exclusion de l’amende infligée à l’ancien édile de Dakar et de sa déchéance électorale.
Sonko, le dernier sur la liste
En février 2021, une jeune femme prénommée Adji Sarr officiant dans un salon dit de massage, en l’occurrence «Sweet beauté Spa», accusait le député de l’opposition de l’avoir violée sous «la menace à quatre occasions». Convoqué dès le lundi 8 février, Ousmane Sonko, protégé par son immunité parlementaire, n’avait pas déféré devant les gendarmes. Le lendemain, le 9 février 2021, la procédure de levée de son immunité parlementaire est enclenchée par l’Assemblée nationale. La plénière se tient à huis clos en l’absence du leader des Patriotes, suite à la restitution des travaux de la commission ad hoc mise en place pour statuer sur son cas. Les députés de l’opposition refusent de participer au vote. Le mercredi 3 mars 2021, alors qu’il déférait à la convocation du juge, et pour un différend d’itinéraire pour se rendre au Palais de justice, Ousmane Sonko se voit arrêté et placé en garde à vue pour «troubles à l’ordre public» et «participation à une manifestation non autorisée». Son arrestation déclenche une grave crise politico-sociale dans tout le pays. Ses partisans descendent dans la rue jugeant que l’interpellation de leur leader est un complot du président Macky Sall visant à l’éliminer de la course à la présidentielle de 2024. Ces manifestations ont servi de catalyseur pour une jeunesse victime d’une crise économique que le Covid-19 avait amplifiée. Au bout du compte, des émeutes secouaient tout le pays les 4 et 5 mars 2021 et occasionnant la mort de 14 personnes. De fil en aiguille, Ousmane Sonko est finalement mis sous contrôle judiciaire avec interdiction de sortie du pays et son dossier confié au Doyen des juges Maham Diallo qui succédait à Samba Sall, rappelé à Dieu entre temps. Le nouveau Doyen des juges renvoyait en Chambre criminelle le dossier opposant Ousmane Sonko et la masseuse Adji Sarr. Aujourd’hui, l’opinion est à l’écoute de la date du procès, tout en subissant les affres de l’autre procès vraisemblablement intenté contre le leader des Patriotes pour lui perdre sa carte d’électeur, selon Pastef lui-même. Allez demander au ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang qui poursuit Ousmane Sonko pour diffamation dans la fameuse affaire Prodac.
#Source : Sud quotidien