En marge de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle, samedi dernier à Kaffrine, le ministre de l’Education nationale a dénoncé les défaillances des entreprises sénégalaises sélectionnées dans le cadre du Programme de remplacement des abris provisoires et d’ouvrages annexes (PROPAP). A en croire Cheikh Oumar Anne, l’Etat du Sénégal a mis 50 milliards de FCFA, depuis 2016, alors que le nombre de salles réceptionnés ne fait même pas 800. Ce, sur 6000 abris provisoires à remplacer. Il a menacé de «résilier les contrats pour sélectionner d’autres entrepreneurs plus à même de respecter leurs engagements contractuels». Le président de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous au Sénégal (CNEPT), Silèye Gorbal Sy et le secrétaire général national du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (SELS), Amidou Diédhiou donnent leurs avis.
AMIDOU DIEDHIOU, SECRETAIRE GENERAL NATIONAL DU SELS
«Nous sommes satisfaits de la déclaration du ministre»
«Les classes constituent un intrant déterminant pour la qualité du système éducatif et que, de ce point de vue, un État qui se soucie de la qualité de ses enseignements doit travailler à construire des écoles. La construction, ce n’est pas une affaire d’une année. Elle doit suivre l’évolution de la démographie sénégalaise. Aujourd’hui, nous savons qu’il y a des millions d’enfants en âge d’aller à l’école qui ne sont pas partis à l’école. Nous savons qu’il y a des localités où les gens veulent envoyer leurs enfants à l’école, mais n’ont pas de classes, d’écoles. Ils (l’Etat) font recours à une politique qui, en principe, devrait être une politique provisoire. C’est ce qu’on appelle la politique des abris provisoires. Un abri provisoire, par essence, il doit être provisoire. Il ne doit pas dépasser le maximum de 3 ans, 4 ans. Mais, nous constatons aujourd’hui que ce sont des abris qui ne sont pas provisoires parce que faisant 5 ans, 10 ans ou même plus. Chaque année, les populations s’organisent, en début d’année, à faire des huttes pour permettre à leurs enfants d’aller à l’école, avec tout ce qu’il y a comme risque. D’abord, ils ne commencent pas au même moment que les autres ; mais, avec ces abris, il y a des risques avec les reptiles, les aléas du climat à savoir le vent, les tornades et tout. L’autre conséquence, c’est qu’ils sont obligés de fermer dès que la pluie commence à tomber.
Donc, je dois me féliciter de cette sortie parce que j’ai dit : «c’est la haute autorité en charge de l’éducation qui en parle». Nous, nous avons fait tout le pays. L’avant dernière école où je suis sorti, dans le département de Vélingara, nous a montré deux bâtiments de deux classes chacun dans la seule école qui a fait plus de 20 ans, sans que la construction ne soit achevée. Ça, c’est l’exemple patent que j’ai vécu ce matin (hier, ndlr). C’est l’école de Sinthiang Koundara, dans le département de Vélingara. Il y en a beaucoup dans le pays. On en a trouvé à Goudomp mais aussi partout dans le pays. De la même manière, on a trouvé des abris provisoires jusque dans les grandes communes des régions. Aucune région n’est épargnée, même s’il y a des régions championnes en abris provisoires, comme Sédhiou où même l’Inspection d’Académie (IA) est dans un abri provisoire. Donc, nous sommes satisfaits de la déclaration du ministre et je pense qu’il s’adresse à l’État qui, dans son organisation, ne doit pas accepter qu’un entrepreneur commence un marché qu’il n’achève pas. Donc, il est en train de demander des comptes à ses prédécesseurs. Il faut que ceux qui se sont succédé à la tête du ministère de l’Education nationale puissent rendre compte. Mieux, dans notre préavis de grève, que le SELS a déposé le 16 décembre, nous avons demandé, dans un des points, l’évaluation du Programme de résorption des abris provisoires. Nous continuons à exiger, à ce jour, en tant que syndicat, l’évaluation du Programme des abris provisoires. Nous, on parlait de 8000 abris provisoires dans ce pays, mais avec l’information du ministre, on se demande, est-ce qu’on n’est pas à plus de 10 000».
SILEYE GORBAL SY, PRESIDENT DE LA CNEPT
«Si les contrats sont résiliés, on va recommencer à zéro»
«Nous avons fait une sortie pour donner notre avis sur la résiliation des contrats. Les contrats sont déjà en cours. Donc, il pouvait quand-même essayer de négocier avec les entrepreneurs pour poursuivre les activités, pour qu’on puisse terminer définitivement avec les abris provisoires. Nous, nous œuvrons pour une éducation de qualité pour tous. Et, avec ces abris-là, il est difficile voire même impossible d’atteindre l’éducation de qualité pour tous. Dans les abris provisoires, les conditions d’apprentissage ne sont pas réunies, pour pouvoir atteindre cet objectif-là et l’ODD4 auquel notre pays est engagé au niveau international.
Si les contrats sont résiliés, on va recommencer à zéro. Ça va encore prendre beaucoup de temps. On risque de rester des années sans pour autant aller vers la suppression des abris provisoires. Donc, comme j’ai dit, il est difficile voire même impossible d’avoir une éducation inclusive de qualité parce que l’ODD4 relatif à l’éducation, c’est pour atteindre l’éducation pour tous tout au long de la vie, pour aller sur le pied d’égalité ; alors qu’il est impossible, avec les abris provisoires, d’avoir de la qualité dans les enseignements-apprentissages.
C’est pourquoi nous avions souhaité qu’on aille vers la suppression totale de ces abris provisoires. A l’intérieur même de la ville de Mbacké, il y a des abris provisoires. Il y a une école où il y a trois abris provisoires. Donc, avec ça, c’est difficile d’atteindre une éducation de qualité pour tous parce qu’il y a même la santé des élèves et des enseignants qui est menacée. Le vent circule un peu partout. Ils ne sont pas protégés. Il y a même leur sécurité qui est en jeu. Il y a parfois des reptiles qui peuvent entrer dans les dans les salles de classe. Donc, c’est tout un arsenal de manque de sécurité pour les enseignants et les élèves».
#Source : Sud quotidien