Jean Charles Biagui, enseignant chercheur en sciences politiques à l’Ucad : «Son handicap résulte également du fait qu’il apparaît comme un choix par défaut»
«Les nombreux points de vue des membres de Benno sur leur candidat Amadou Ba mettent en lumière plusieurs réalités. D’abord, la plus évidente est qu’ils révèlent si besoin en est encore la faiblesse du leadership du candidat Amadou Ba. Je considère qu’il n’a pas l’étoffe d’un président de la République. Le costume de présidentiable semble trop grand pour lui tout comme d’ailleurs celui de Premier ministre. Il ressemble beaucoup d’ailleurs à celui qui l’a choisi. Il est incapable de prendre des initiatives du fait notamment de son manque de charisme et de la manière dont il a été choisi. Il aurait eu une marge de manœuvre beaucoup plus importante et des garanties s’il avait été choisi de manière démocratique par les militants de Benno. Ensuite, son handicap résulte également du fait qu’il apparaît comme un choix par défaut. Le véritable choix du président Macky Sall, c’est Macky Sall lui-même. C’est la mort dans l’âme et devant la pression des Sénégalais qu’il s’est résolu à respecter la constitution. La stratégie du président Macky Sall d’attendre le plus longtemps possible avant de se prononcer sur sa candidature se révèle contre-productive pour son candidat qui a perdu beaucoup de temps pour peaufiner une stratégie électorale».
«Enfin, les positions de certains membres de la coalition au pouvoir sont aussi le signe d’un opportunisme chez des politiciens qui comprennent bien que dans une élection ouverte et inclusive, Amadou Ba n’a aucune chance de l’emporter. Ainsi, les contestations des uns et des autres quant aux stratégies annoncent déjà d’éventuelles transhumances ou revirements».
«Entre l’enclume de Benno et le marteau des électeurs concernant le bilan de Macky Sall»
«Je ne suis pas sûr que les divergences dans l’APR et dans Benno soient les principaux handicaps de Amadou Ba. Le défi auquel, il est confronté est en premier lieu le bilan plus que mitigé de Macky Sall à tout point de vue. S’il reste fidèle à ce bilan, il simplifie la tâche à l’opposition. S’il se renie, il se mettra l’APR et Benno à dos. Que fera-t-il pour être crédible aux yeux des électeurs? Comment Amadou Ba réussira-t-il à convaincre les nombreux sénégalais qui l’identifient à un régime à la croisée des chemins ? Cela dit, Amadou Ba est confronté à un second défi relatif à son manque de charisme et à son manque d’envergure nationale. Il n’a pas de réelles capacités de séduction. Dans l’immédiat, il n’osera pas prendre ses distances avec son mentor et avec un système de plus en plus décrié et dont il est le symbole».
«Les sorties dans Benno s’inscrivent dans la perspective de la fin d’un régime»
«Le camp du pouvoir n’a plus beaucoup de marge de manœuvre. Il n’a pas de solution de rechange. Il soutiendra Amadou Ba jusqu’au bout surtout s’il continue de rester fidèle au président de la République. Benno nous a habitué à des candidatures multiples et des organisations parallèles. Certains observateurs estiment même qu’il s’agit d’une stratégie pour multiplier les chances. Pour ma part, j’estime que les prises de position osées dans Benno s’inscrivent dans la perspective de la fin d’un régime dont les membres sont à l’affût de la moindre occasion pour justifier leur départ ou leur nouvelle allégeance politique ou pour négocier de nouveaux rapports de clientèle».
Source : Sudquotidien