Le 25 janvier 2009, disparaissait à Dakar Mamadou Dia, figure incontournable de l’histoire politique du Sénégal, à l’âge de 98 ans. Premier président du Conseil du gouvernement après l’indépendance du pays, Dia était un homme d’action dont les idées ont marqué son époque. À l’occasion des 16 ans de sa disparition.
Un parcours politique marqué par le destin
L’histoire politique de Mamadou Dia prend un tournant décisif le 17 décembre 1962. À cette date fatidique, le président du Conseil des ministres se retrouve face à une fronde menée par les députés sénégalais, soutenus par le président Léopold Sédar Senghor. Ces derniers cherchent à le renverser en votant une motion de censure. Mais Dia, déterminé à préserver son pouvoir, fait intervenir l’armée dans l’Assemblée nationale pour empêcher le vote. La situation dégénère et les soldats, finalement loyaux à Senghor, arrêtent Dia. C’est le début d’une carrière politique marquée par les conflits et les épreuves.
Sous l’affection de ses proches, Mamadou Dia était surnommé « Maodo ». Mais derrière ce prénom affectueux se cachait un homme politique redouté, dont l’idéal était celui d’un Sénégal autonome, économiquement fort et souverain.
Un procès et une déportation en 1963
L’année 1963 marque un tournant dans la vie de Mamadou Dia. Accusé de « tentative de coup d’État », il est traduit devant la Haute Cour de justice, où lui et plusieurs de ses ministres, dont Waldiodio Ndiaye, sont lourdement condamnés. Son emprisonnement durera jusqu’en 1974, date à laquelle il recouvre sa liberté. En 1963, il est, en effet, déporté à Kédoudou, une localité située à 500 kilomètres à l’est du Sénégal, et ce, pour une « déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée ». Son incarcération met un terme brutal à son ambition de diriger le Sénégal. Mais la politique sénégalaise, elle, continue de se jouer sans lui.
Un socialiste engagé
Ancien économiste et fervent défenseur du socialisme, Mamadou Dia s’était toujours battu pour l’autosuffisance alimentaire du Sénégal, cherchant à libérer le pays de la dépendance vis-à-vis de l’industrie arachidière, héritage du colonisateur français. Dès 1962, la remise en cause de cette domination froissait les intérêts français, mais aussi certains députés sénégalais. Son objectif : favoriser le développement d’une agriculture vivrière, plus tournée vers les besoins locaux et l’autonomie du pays.
Dia était également un ardent défenseur d’une rupture nette avec Paris. Ancien fondateur du Bloc populaire sénégalais aux côtés de Léopold Sédar Senghor en 1948, il s’était engagé politiquement comme sénateur français puis député à l’Assemblée nationale française de 1949 à 1956. Dans ses écrits, notamment dans un ouvrage publié en 1961, il critiquait vigoureusement « le fétichisme de l’argent », qu’il considérait comme « la grande tyrannie des civilisations dites évoluées », dont la France faisait partie.
Un retour en politique avorté
Après sa libération en 1974, Mamadou Dia tenta un retour en politique, se réclamant d’un « socialisme autogestionnaire » qu’il voyait comme une alternative à l’idéologie dominante de l’époque. Il accusa le régime en place de privilégier « la bourgeoisie au détriment des masses ». Cependant, son retour en politique ne rencontra pas le succès escompté.
Un homme de contradictions
Les années suivantes, Mamadou Dia resta une figure respectée, mais controversée. Il manifesta une « immense tristesse » à la mort de son ancien rival, Léopold Sédar Senghor, en 2001. Toutefois, à la fin de sa vie, il dénonça avec virulence les choix économiques du président Abdoulaye Wade, notamment en matière de libéralisme économique. Loin des idéaux d’une société égalitaire qu’il prônait dans sa jeunesse, il exprima sa désillusion face à l’évolution politique et économique du Sénégal.
Aujourd’hui, 16 ans après sa disparition, l’héritage de Mamadou Dia continue de nourrir les débats sur le développement économique et social du Sénégal. Et son parcours reste une source d’inspiration et de réflexion pour les générations futures, en témoigne le vibrant hommage que lui a rendu l’actuel président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, le jour de son installation.
Sources : Wikipédia, Le Monde diplomatique, Bamba Ndiaye du MSU, Pathé Mbodji, journaliste et sociologue
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