2ème édition «Marche vers Pâques» par Abbé Roger Gomis : Chrétiens et musulmans : ce que nous espérons devenir ensemble
Dans un contexte où Ramadan et Carême se déroulent simultanément cette année, la rubrique «la Marche vers Pâques» s’inspire du message du Dicastère pour le dialogue inter-religieux au Vatican intitulé : «Chrétiens et musulmans : ce que nous espérons devenir ensemble ». Et c’est pour méditer sur cette harmonie entre communautés qui caractérise le Sénégal, alors que dans d’autres régions du monde des murs sont érigés entre les fidèles de différentes confessions. Une réflexion sur notre responsabilité collective de préserver et d’approfondir cette fraternité précieuse, à travers nos pratiques spirituelles communes de jeûnes, de prières et de charité. Enseignement !
«Les voies du Seigneur sont insondables.» Cette expression, nous la connaissons tous. Mais parfois, ces voies se manifestent de façon si extraordinaire qu’elles nous laissent sans voix. C’est précisément ce qui s’est produit dans l’histoire de Monseigneur Benjamin Ndiaye, archevêque émérite de Dakar.
Figurez-vous que dimanche dernier, lors de l’entretien exclusif avec Pape Alé Niang, directeur de la RTS, Monseigneur Ndiaye a partagé un témoignage bouleversant. À un moment crucial de sa vie, alors qu’il doutait de sa vocation sacerdotale, ce n’est pas un prêtre, ni même un catholique, mais un musulman nommé Amadou Sarr que le Seigneur a placé sur son chemin pour l’encourager à répondre à l’appel divin.
Quelle belle illustration de cette fraternité qui transcende les appartenances religieuses dans notre cher Sénégal ! Cette histoire n’est pas seulement touchante ; elle est emblématique de ce que nous vivons quotidiennement dans notre pays.
En ce moment particulier où le Ramadan et le Carême se déroulent simultanément, nous ne pouvons-nous empêcher de méditer sur cette harmonie interreligieuse qui fait la fierté de notre nation. Car oui, ce n’est pas un hasard si cette année encore, le calendrier lui-même semble vouloir rapprocher nos communautés dans leurs moments les plus sacrés.
Le Dicastère pour le dialogue interreligieux au Vatican a justement adressé un message fraternel aux musulmans à l’occasion de ce Ramadan 2025. Il y souligne cette coïncidence temporelle comme «une occasion unique de marcher côte à côte, chrétiens et musulmans, dans une démarche commune de purification, de prière et de charité.» N’est-ce pas exactement ce que nous vivons ici, au Sénégal?
Car voyez-vous, ce qui se passe à l’échelle mondiale trouve chez nous une résonance toute particulière. Pendant que certaines régions du monde érigent des murs, tant physiques que symboliques, entre les communautés religieuses, nous, Sénégalais, continuons de construire des ponts.
Mais ne nous y trompons pas, chers amis. Si cette harmonie semble naturelle pour nous, elle n’en est pas moins précieuse et fragile. Dans un monde où ressurgissent les tentations du repli identitaire et de la méfiance envers l’autre, notre modèle sénégalais de dialogue interreligieux apparaît comme un phare d’espérance.
Comme le rappelle le message du Vatican, «notre monde a soif de fraternité et de véritable dialogue. Musulmans et chrétiens, ensemble, peuvent être témoins de cette espérance-là, que l’amitié est possible malgré le poids de l’histoire et les idéologies qui enferment.»
Ce que nous voulons devenir ensemble, au Sénégal et dans le monde, ce sont «des frères et des sœurs en humanité qui s’estiment profondément.» Notre foi en Dieu, qu’elle s’exprime dans le langage chrétien ou musulman, nous rappelle notre origine commune et notre destination partagée.
En ces temps de Ramadan et de Carême, nos pratiques spirituelles se font écho. Le jeûne musulman, tout comme l’abstinence chrétienne, nous invite à la maîtrise de soi et à l’ouverture aux autres. La prière, qu’elle soit salat ou oraison, nous tourne vers le Transcendant. Et la charité, zakat ou aumône, nous oriente vers les plus vulnérables.
Mais les défis restent nombreux, ne les ignorons pas. Même au Sénégal, des tensions peuvent parfois surgir. Notre tâche est de veiller à ce que notre modèle de dialogue ne soit pas un simple vernis social, mais qu’il s’enracine profondément dans une connaissance et un respect mutuels authentiques.
Car comme le souligne encore le message du Vatican: «Nous ne voulons pas seulement coexister; nous voulons vivre ensemble dans l’estime sincère et mutuelle.» Et cela demande un effort constant, une vigilance de chaque instant.
Alors, chers amis qui m’écoutez, que ce temps béni de Ramadan et de Carême soit pour nous tous l’occasion de raviver cette flamme du dialogue. Que nos prières, nos jeûnes, nos actes de générosité soient autant de pierres ajoutées à l’édifice de notre fraternité nationale.
Et lorsque bientôt les fidèles musulmans célébreront l’Aïd et que les chrétiens entreront dans la joie pascale, souvenons-nous que nos chemins spirituels, bien que distincts, sont unis par cette même recherche de Dieu et cet amour du prochain qui fondent nos traditions religieuses.
Car au fond, n’est-ce pas cela que nous espérons devenir ensemble ? Des témoins d’espérance dans un monde en quête de sens, des artisans de paix dans un monde trop souvent déchiré par les conflits. Notre Sénégal, avec sa tradition de dialogue et de bonne entente, peut et doit continuer à montrer la voie.
Méditons sur ces paroles du Pape François citées dans le message du Vatican : «La foi et ses valeurs devraient nous aider à être des voix qui s’élèvent contre l’injustice et l’indifférence, et qui proclament la beauté de la diversité humaine.»
Que votre Ramadan et votre Carême soient bénis, que l’Aïd et Pâques nous apportent joie et paix. Que notre fraternité et notre amitié continuent d’être «cette ombre bienfaisante pour un monde assoiffé de paix et de fraternité.»
Sudquotidien
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