Me El Hadji Oumar Youm, président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar : «Je ne suis pas contre le report de la Présidentielle»
Paix sociale à tout prix ! C’est désormais le slogan brandi un peu partout, suite aux manifestations meurtrières qui ont emporté 17 jeunes sénégalais les 1er et 2 juin derniers. Sans occulter les 14 autres morts en mars 2021. Une situation qui suscite des interrogations au sein de la classe politique sénégalaise et au niveau de la société civile. D’aucuns agitent déjà l’idée de reporter l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024 et de remettre les compteurs à zéro. Pour Maitre El Hadji Oumar Youm, si d’un tel scénario dépend le retour de la paix au Sénégal, rien ne devrait s’y opposer. Il l’a fait savoir dans un entretien avec le groupe Sud Communication (Sud Quotidien, SudFM et sudquotidien.sn).
Quelle analyse faites-vous du verdict de l’affaire Sweet Beauty ?
Je serai un peu gêné de commenter une décision de justice. D’abord, en tant qu’avocat, juriste attaché au pacte républicain, à la démocratie, au respect qui est dû à nos institutions, notamment les institutions judiciaires. Je ne peux que constater la décision qui a été rendue, qui me semble totalement justifiée, au regard des dispositions qui sont contenues dans le Code pénal, dans la démarche du juge qui est un juge qui est saisi In Rem. Il est saisi des faits, il n’est pas saisi de l’infraction qui est invoquée. C’est à lui de reprendre l’intégralité des faits pour leur apporter la qualification qui puisse être la plus pertinente sur le plan technique, pour l’appliquer à la situation.
Ce qu’il faut regretter, c’est justement les incidents qui ont émaillé cette procédure, depuis la convocation, avec beaucoup de mise en scène sur le chemin du parcours judiciaire. Où tantôt, on a un accusé qui est très prompt à répondre à la justice, qui demande même justice pour se défendre, pour montrer son innocence ; tantôt ce sont des reculades que nous avons constatées à chaque fois que la justice avait besoin d’un procès contradictoire, de version contradictoire pour que jaillisse la lumière de la vérité.
Ce qu’il faut regretter, c’est aussi cette impudeur qui me parait être totalement abjecte. Un homme public, qui a des ambitions, qui d’abord viole les règles de restriction dans le cadre de la lutte contre la pandémie (de Covid-19, ndlr). Nous avons vu, en Europe, très exigeant sur les mœurs, sur la rectitude morale que les dirigeants doivent avoir, où des Premiers ministres ont démissionné, des ministres de l’Economie ont démissionné, des chefs de parti ont été contraints de démissionner. D’autres, humblement, ont présenté leur démission et se sont retirés de l’espace public, parce que l’espace public a des exigences en terme de normalité morale. Malheureusement, je pense que l’accent doit être beaucoup plus mis sur ça, que sur les qualifications judiciaires.
Pour moi, on doit laisser aux professionnels, parce que nous avons une justice de professionnels, des gens compétents, sérieux, travailleurs, dévoués à leur mission, de prendre des décisions. Jusqu’à preuve du contraire, ce qu’ils ont dit, doit être considéré comme étant vrai.
Justement, en parlant de professionnels, certains professeurs de droit disent qu’on ne peut être condamné pour des faits pour lesquels on n’est pas poursuivi. Ousmane Sonko n’a jamais été poursuivi pour des faits de «corruption de la jeunesse». Est-ce que vous partagez cet avis-là ?
Bien sûr que je ne partage pas du tout cet avis. J’ai été avocat. Dans les plaintes que j’ai eu l’avantage de déposer, je mets dans ces plaintes une réserve, en tant qu’avocat, pour dire : «tout autre fait susceptible d’être qualifié comme une infraction». Et ça, c’est la formule consacrée. Dans tous les cabinets d’avocats, vous verrez cette formule consacrée dans les requêtes ou les plaintes. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que le juge est saisi des faits, il n’est pas saisi d’une qualification juridique des faits. Et c’est à lui de reprendre les faits pour voir quelle est la qualification juridique qu’il donne aux faits. C’est pourquoi, d’ailleurs, les techniques de requalification, de disqualification existent en matière de procédure, permettant au juge de dire le droit.
Maintenant, des professeurs d’université, dont certains souvent ne sont pas des praticiens, peuvent ignorer les procédures pénales. Parce que le droit, c’est un vaste champ social : il y a du droit social, il y a du droit commercial, il y a du droit de l’environnement, il y a du droit des sociétés, il y a du droit de procédures… On ne peut pas, parce qu’on est juriste, parler de tout et de rien. Laissons le soin aux magistrats, qui sont compétents, de dire ce qu’ils doivent dire, aux professeurs d’université de faire les commentaires d’arrêts ou les critiques d’arrêts dans les amphithéâtres.
Ce qui est clair, c’est que la vérité judiciaire, la seule vérité judiciaire qui peut être donnée, c’est la vérité qui sort des Tribunaux, avec des voies de recours qui sont possibles. Quand quelqu’un n’est pas satisfait d’une décision de justice, il n’y a pas à rester là à dire j’ai raison, c’est d’exercer ces voies de recours, à parfaire ou à améliorer toujours dans une procédure judiciaire.
Toujours dans cette affaire, il y a certains qui pensent que Adji Sarr devait être poursuivie pour dénonciation calomnieuse ou diffamation ?
C’est leur appréciation. Moi, de la petite connaissance que j’ai de la matière, je pense que quand-même, déjà, elle sort victorieuse de ce procès, avec une condamnation d’un homme qu’on considère comme ayant abusé moralement de l’exploitation sexuelle d’une jeune dame sans défense, démunie, vulnérable, exposée aux dangers de la vie. Elle sort victorieuse de ce procès, avec une condamnation, avec des dommages et intérêts. Comment on peut sortir d’un procès avec une décision, un verdict qui est positif et se retrouver poursuivi pour dénonciation calomnieuse ? Je pense qu’il y a quelque chose qui ne cloche pas.
Le verdict a entraîné aussi des manifestations un peu partout dans le pays, avec des saccages de biens publics comme privés. On a dénombré 17 morts, avec le 6e qui est décédé à Ziguinchor. C’est pire que les événements qui se sont produits au mois de mars 2021 où on en avait dénombré 14. Comment est-on arrivé à ce stade-là avec des nervis que l’opposition et le pouvoir s’accusent mutuellement d’avoir été utilisés contre /ou du côté de la Police ?
Les enquêtes sont en train d’être menées pour situer les responsabilités. Faisons confiance aux Forces de défense et de sécurité qui sont saisies de ces dossiers. Des éléments d’information dont nous disposons, nous savons effectivement que cet événement a été organisé depuis le départ, pour mettre le Sénégal à feu et à sang.
Ah bon ?
Oui ! Et en cendres ! Parce que ce qui a été fait depuis le départ, quand on regarde les discours politiques, on voit une variation très grave, un glissement vers la violence parfois même physique. Nous avons connu ces épisodes à l’Assemblée nationale où une député a été tabassée, proprement, parce qu’elle a osé prendre la parole et exprimer une opinion. Vous avez vu ce qui se passe dans les réseaux sociaux où nos autorités religieuses font l’objet d’un matraquage extraordinaire, au point que finalement personne ne peut s’exprimer et donner son avis. C’est ça les vraies atteintes à la liberté d’opinion, une atteinte à notre démocratie. C’est des partis politiques qui s’organisent pour apporter la révolution. Ce n’est pas pour apporter des changements démocratiques, pas pour apporter des alternances, mais pour apporter la révolution, faire la dictature de la minorité, mettre la pression sur la presse, instrumentaliser justement les procès pour les présenter comme des procès destinés à éliminer un adversaire politique, ancrer tout dans le subconscient des Sénégalais et apporter un projet de société qui est : «on remet tout en cause, on fusille tous ceux qui étaient là», etc. Le discours violent, il est là, comme un seul programme d’ailleurs de l’opposition, pour la plupart, de certains de l’opposition. Quand on appelle au «Mortal Kombat», on appelle au «thioki fin» et on demande à tout le monde qui est dans les régions de venir à Dakar pour régler les comptes au Président de la République et à son régime, on sait très bien qu’on n’est plus dans la politique.
Par essence, le champ politique est un champ démocratique, d’échanges de courtoisies, de divergences dans les opinions, mais tout en restant dans les civilités et dans le cadre du pacte républicain. Quand on parle de pacte républicain, c’est le respect des institutions mais aussi la défense de notre souveraineté internationale, de la protection de nos Forces de défense et de sécurité. Sans sécurité, il n’y a pas de pacte. Sans sécurité, il n’y a pas de vie. Sans respect des institutions, on ne peut plus parler de démocratie.
De l’avis des membres de la société civile comme de l’opposition, s’appuyant sur l’appel interjeté par le parquet dans l’affaire de diffamation, l’objectif des procédures judiciaires initiées contre Ousmane Sonko est de le rendre inéligible pour la présidentielle de 2024. Que répondez-vous ?
Soit, c’est la procédure qui est destinée à rendre Ousmane Sonko inéligible ou c’est la décision. Maintenant, je me demande qui doit se contenter de la décision qui est rendue par la justice ? Qui est partie prenante à ce procès ? C’est la société civile ou c’est Mame Mbaye Niang qui était partie prenant ? Mame Mbaye Niang qui se sent jeté en pâture, qui a saisi les tribunaux de manière régulière pour demander que justice lui soit rendue. Les tribunaux, conformément au Code de procédure pénale, ont donné un verdict qui est susceptible d’appel, donc des voies de recours qui ont été exercés. Qu’est-ce qu’on veut maintenant mettre dans la tête d’une certaine société civile pour penser qu’effectivement, l’objectif, c’est d’éliminer X ou Y.
Nous sommes dans la pratique judiciaire, toutes les règles qui sont prévues par cette pratique judiciaire sont conformes au droit. Faire un recours pour un procureur de la République, c’est à la limite une pratique qui relève même de l’ordinaire. Tout le temps, on voit les procureurs faire des recours quand les décisions de justice ne les satisfont pas. Maintenant, à tirer la conséquence comme quoi cet appel cherche à éliminer un opposant, franchement, faut arrêter ces types de raccourci et de conclusion qui nous paraissent très simplistes.
Des membres de la société civile demandent aussi une enquête suite aux événements de mars 2021 (14 morts), juin 2023 (17 morts), afin de traquer et de punir les coupables. Ce ne serait que justice le cas échéant ?
Tout en m’inclinant devant la mémoire de tous ces jeunes, je tiens également à présenter mes sincères condoléances à leurs familles et au peuple sénégalais et dire : plus jamais ça ! Plus jamais de cette catégorie d’acteurs politiques qui ne sait pas s’arrêter, qui dépasse les bornes, qui appelle à la violence, à la rébellion, qui appelle à des manifestations violentes et qui le fait tout le temps ! Je pense que d’ailleurs, au sortir de cet épisode, nous devons envisager, conformément d’ailleurs au référendum de 2016 sur le chef de l’opposition, sur les partis politiques, une loi sur les partis politiques qui prend compte de cette situation pour que plus jamais des discours politiques soient portés par des leaders politiques pour mettre le pays en situation extrêmement tendue. Il faut prendre rapidement des mesures législatives qui conviennent pour que les partis politiques respectent la Charte républicaine, que les discours politiques soient alignés sur les principes démocratiques et que justement la paix sociale, la tranquillité publique puissent être préservées parce que ce sont les acteurs politiques qui doivent donner le bon signal.
Si demain quelqu’un est condamné à Thiaroye, à Guédiawaye ou à Pikine qu’est-ce qu’on va dire ? Personne ne peut plus être jugé et condamné parce que les acteurs politiques sont au-dessus des autres ? Ils sont qui (ces acteurs politiques) pour se mettre au-dessus de la loi ? Nous sommes tous des justiciables y compris le président de la République, les membres du gouvernement, tout le monde est justiciable. Sinon, on n’est plus dans une République mais plutôt dans une gouvernance discriminatoire où les uns peuvent faire ce qu’ils veulent sans que rien ne leur arrive et les autres sont écrasés tous les jours par une machine judiciaire.
Pourtant tout ce que vous dites a déjà fait l’objet de discussions et des propositions ont été retenues notamment dans le cadre des Assises nationales, la CNRI etc. Pourquoi votre régime n’a pas mis en œuvre ces mesures ?
Il faut une loi pour régler tout cela. Il faut une loi sur les partis politiques qui confirme et réaffirme le rôle des partis politiques dans le maintien de la stabilité sociale, de la cohésion sociale et de la Concorde nationale. Il faut une loi pour réprimer les partis politiques qui se mettent en marge de la loi et qu’on puisse les sanctionner, les supprimer, les dissoudre.
Le Président de la République a lancé le dialogue national sans la présence de l’opposition dite radicale. Ne risque-t-on pas encore de déboucher sur l’impossibilité d’appliquer les conclusions ?
Le dialogue a pour objectif non pas de construire une unanimité de tous les acteurs politiques, tout simplement parce que cela est plus ou moins impossible, mais plutôt de pouvoir, construire des convergences fortes autour de certains points, notamment le parrainage…
On a eu quand même un code consensuel en 1992 avec le Juge Kéba Mbaye et tout le monde l’avait bien accueilli ?
Parfaitement, ce code consensuel de 1992 a évolué ces derniers temps, notamment en 2017. En 2021, je pense, on avait procédé à une petite modification de ce code. Aujourd’hui, on doit pouvoir évaluer tout ça sur des questions sur lesquelles le consensus n’est pas tellement fort, notamment sur le parrainage d’abord et sur les cautions pour les élections présidentielles…
Sur toutes ces questions, il faut quand même construire le consensus avant d’aller à l’élection présidentielle de février 2024. Et nous pensons qu’effectivement, au vu de la cérémonie d’ouverture du dialogue, au vu aussi des discours qui ont été prononcés çà et là, nous pensons que les partis qui sont consacrés vont à ce dialogue avec une certaine objectivité, une envie justement de trouver les solutions aux problèmes qui ont été soulignés çà et là.
Maintenant, il n’est jamais trop tard pour rejoindre le dialogue qui n’est pas pour Macky Sall, encore moins pour l’Apr ou Benno. C’est un dialogue national avec des commissions diverses, notamment une commission politique qui a pour mission justement de prendre en charge toutes les questions politiques sur lesquelles le peuple, de manière générale, les électeurs, attendent des solutions.
Un dialogue sans tabou, c’est le vœu du Président Sall. Mieux, il a même dit que la question de sa 3e candidature pourrait être inscrite dans les termes de référence. Vous faisiez partie de ceux qui avaient déclaré qu’il était en train d’exercer son dernier mandat ? Et c’est toujours votre position ?
Attendons les conclusions du dialogue parce que pour moi, ma fonction personnelle n’a pas été importante. J’appartiens à un parti, à une coalition, à un régime. Donc, il faut attendre que les conclusions de ce dialogue nous édifient. Moi, je ne suis pas candidat à l’élection de 2024, le Président de la République jusqu’à ce jour, n’a pas dit de manière formelle et claire, qu’il est candidat. Laissons le temps au temps et à l’occasion, Inch Allah, on reviendra sur cette question de 3e candidature.
D’aucuns agitent l’idée de reporter l’élection présidentielle d’une à deux ans pour régler définitivement les problèmes auxquels le pays est confronté. Qu’est ce que cela vous inspire ?
Pour moi, l’élection est une fête de la démocratie. C’est bien de respecter l’agenda républicain pour tenir les élections à date échue. C’est ça le principe. Toutefois, je ne suis pas contre le fait de pouvoir reporter une élection, si ça doit permettre davantage de consolider la paix sociale, de raffermir notre démocratie, d’aller à des élections de manière paisible, dans des conditions de sérénité, pour nous permettre de réussir cette fête de la démocratie.
Des conditions ne sont donc pas réunies au regard du contexte socio-politique du pays ?
Nous sommes encore à dix mois des élections. On ne peut pas préjuger de ce qui va advenir d’ici là. Toutefois, j’estime que si les mêmes conditions doivent se présenter au moment des élections, la sagesse recommande de les repousser.
Pour beaucoup d’analystes politiques, tout autre candidat choisi à 10 mois de la présidentielle, en dehors de Macky Sall serait synonyme d’une défaite anticipée.
Tout dépendra du casting: de qui ?, de comment ? Tout dépendra aussi du contexte. Si c’est la logique électorale qui est respectée, au-delà de la personne de Macky Sall, c’est un régime, une coalition qui a fait un excellent travail. Nous avons un excellent bilan que personne ne peut contester. C’est un travail d’équipe sur les orientations stratégiques et une vision positive du président Macky Sall qui a réalisé des performances dans beaucoup de secteurs, économique, social, énergique, hydraulique, infrastructurel, etc. Les Sénégalais, au-delà d’une personne, choisisse aussi un régime, une vision, un programme. Nous avons un programme et une vision qui ont débouché sur un résultat extrêmement important. Le reste, c’est un problème de contexte et de mise en œuvre. Nous avons tous les atouts en termes d’organisation, de présence et de bilan. Par conséquent, au lieu de choisir un nouveau programme (rires), les Sénégalais ont intérêt à consolider un programme déjà mis en œuvre et réussi.
Effectivement, beaucoup de Sénégalais estiment que Macky Sall pourrait être qualifié de «bâtisseur» sur le plan des infrastructures. En revanche, d’autres soutiennent qu’il a pêché sur les libertés individuelles et la consolidation de la démocratie. Est-ce votre avis ?
C’est une perception que je ne partage pas. Si on jette un coup d’œil sur les rapports faits par le Sénégal au niveau des relations des droits humains, à Genève, ceux du ministre de l’Intérieur sur marches, nous sommes à moins de 2 % de manifestations interdites. Cela veut dire que le droit à manifestation est une réalité. Sur les droits humains, parce que les gens évoquent 400 voire 500 personnes arrêtées. Mais qu’est ce que ces personnes ont fait ? Il y a des milliers de Sénégalais dans le secteur politique et qui n’ont jamais été inquiétés, ni arrêtés. Le malheur de Macky Sall, c’est qu’il est arrivé au pouvoir au moment où surgit une génération d’acteurs politiques de genre nouveau, qui n’ont que l’intimidation, la menace, les invectives et les actes violents. A moins avis, c’est une question de salubrité publique. Il faut faire le lavage. Nous avons de sérieux problèmes. La presse peine à travailler parce que personne n’ose donner son opinion. La seule opinion tolérée, c’est celle favorable à Ousmane Sonko et à Pastef. C’est ça aussi la réalité ambiante au Sénégal. Ce qui n’est pas normal dans une démocratie. C’est pourquoi, je soutiens les forces de défense et de sécurité pour le travail remarquable qu’elles sont en train de faire, les ministres de l’Intérieur et de la Justice, le Président de la République. Parce qu’il faut de l’ordre dans ce pays. Il faut que la discipline règne, que la tranquillité publique soit rétablie. On ne peut être en politique et ne pas souffrir les critiques. Nous sommes les premiers à être critiqués par l’opposition. Nous l’acceptons parce que c’est la règle du jeu. Pourquoi l’opposition ne supporterait-elle pas des critiques ? Tout ce qu’elle dit doit être pris comme argent comptant et que les opinions contraires sont à combattre souvent même à abattre ? Ce qui n’est acceptable !
Vous ne trouvez pas paradoxal que malgré le portrait-robot que vous dressez de l’opposition, que les électeurs, donc le peuple, décident d’installer ou presque une cohabitation au sein de l’hémicycle lors des dernières élections législatives ?
Attention ! Dans cette opposition, il y a opposition et opposition. Il y a eu une coalition que je respecte avec des gens sérieux comme Khalifa Ababacar Sall, les Mourchachidines etc. Ils font de la politique. Ce sont des acteurs politiques. Ils ont un discours politique qu’on peut comprendre.
Le problème, c’est Pastef ?
Le problème, c’est Ousmane Sonko ! Le problème du Sénégal en ce moment c’est Ousmane Sonko, ce n’est pas Pastef. C’est lui qui appelle à la rébellion, à mettre le Sénégal à feu et à sang, au Mortal Kombat, au «Thioki Fin». Ce sont des invocations qui n’ont jamais été tenues par un acteur politique. Nous avons eu de grands opposants tels Mahmout Diop, Cheikh Anta Diop et Abdoulaye Wade pour l’histoire contemporaine. Nous n’avons jamais eu ces discours d’une telle médiocrité et d’une telle violence.
Monsieur le Président, l’Assemblée nationale traverse aussi des moments difficiles. Est-il possible de travailler dans ces conditions pour contrôler l’action du gouvernement ?
(Il hésite). Il est évident que l’Assemblée nationale travaille, les commissions fonctionnent. Je reviens d’ailleurs d’une plénière (hier, Ndlr) sur le code de l’environnement. Cela veut dire donc que l’Assemblée nationale travaille, le Gouvernement, les institutions fonctionnent etc. Même si par ailleurs évidemment, dans l’esprit et le cœur de tout Sénégalais, il y a cette peur qui a été installée. Je pourrais même caricaturer, «Peur dans la ville» (titre d’un film avec Jean-Claude Belmondo, sorti en 1975, Ndlr), parce que tout simplement la politique ne doit pas mener à la violence. C’est inadmissible ! Donc, j’encourage les Sénégalais à se ressaisir et le Gouvernement à poursuivre le travail qui doit être le sien : c’est à dire sécuriser les Sénégalais et mettre fin aux ennemis de la République qui veulent installer la terreur, la peur.
Selon certains analystes, le problème du Sénégal réside dans l’hyper-présidentialisme. Etes-vous pour l’équilibre des institutions avec une réduction des pouvoirs du Président de la République et le renforcement des pouvoirs législatif et judiciaire ?
Il y a cette tendance à vouloir faire des réformes pour réduire les pouvoirs du Président de la République. Je rappelle quand même que nous avons fait un référendum en 2001 qui a débouché sur cette nouvelle constitution, un autre en 2016 où le régime présidentiel a été une option forte des populations du Sénégal qui l’ont adopté à plus de 94 %. Ça veut dire que les Sénégalais veulent un régime présidentiel qui fonctionne bien depuis 1963 à nos jours. Depuis cette date, on ne connaît plus de crise politique, institutionnelle qui mette en danger le fonctionnement de nos institutions. Ce confort institutionnel me va très bien. En revanche si demain quelqu’un porte un projet de réforme, il sera soumis aux Sénégalais.
La rupture du cordon ombilicale entre le Parquet et l’Exécutif est considérée comme un gage pour une indépendance de justice ?
Est ce que vous imaginez qu’on puisse faire en sorte que le directeur général des impôts et domaines, celui des douanes, ne puissent pas répondre de la Tutelle, du ministère de l’Economie.
Ce n’est pas la même chose. Ici, on parle de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.
Dans le pouvoir judiciaire, il y a plusieurs administrations. Il y a des greffiers, des magistrats qui sont des fonctionnaires. Des notaires et des avocats qui sont indépendants. Des commissaires etc. C’est un système judiciaire. Toutefois, je comprends ceux qui sont porteurs de cette réclamation ou de cette revendication qui soutiennent qu’il faut que la hiérarchie qui existe entre le Procureur et le ministère de la Justice puisse être éliminée. Ça donne quoi ? Le Procureur est aussi libre que tout autre fonctionnaire du Sénégal. Le procureur ne juge pas. C’est le juge qui n’a aucun lien de soumission avec le Procureur, qui juge, qui arbitre, qui décide. Le Procureur peut demander ce qu’il veut. C’est comme un avocat, mais il n’a aucune influence sur la décision du juge, qui est indépendant, inamovible, autonome et qui ne s’en remet qu’à la loi. Sa décision ne peut être basée que sur la loi. La preuve, dans l’affaire Sweet Beauty, je suis sûr que le Procureur aurait aimé avoir une condamnation pour viols et menaces de mort. Il ne l’a pas obtenu, parce que le juge ne l’a pas suivi.
D’aucuns agitent l’idée de reporter l’élection présidentielle d’une à deux ans pour régler définitivement les problèmes auxquels le pays est confronté. Qu’est ce que cela vous inspire ?
Pour moi, l’élection est une fête de la démocratie. C’est bien de respecter l’agenda républicain pour tenir les élections à date échue. C’est ça le principe. Toutefois, je ne suis pas contre le fait de pouvoir reporter une élection, si ça doit permettre davantage de consolider la paix sociale, de raffermir notre démocratie, d’aller à des élections de manière paisible, dans des conditions de sérénité, pour nous permettre de réussir cette fête de la démocratie.
Des conditions ne sont donc pas réunies au regard du contexte socio-politique du pays ?
Nous sommes encore à dix mois des élections. On ne peut pas préjuger de ce qui va advenir d’ici là. Toutefois, j’estime que si les mêmes conditions doivent se présenter au moment des élections, la sagesse recommande de les repousser.
Pour beaucoup d’analystes politiques, tout autre candidat choisi à 10 mois de la présidentielle, en dehors de Macky Sall serait synonyme d’une défaite anticipée.
Tout dépendra du casting: de qui ?, de comment ? Tout dépendra aussi du contexte. Si c’est la logique électorale qui est respectée, au-delà de la personne de Macky Sall, c’est un régime, une coalition qui a fait un excellent travail. Nous avons un excellent bilan que personne ne peut contester. C’est un travail d’équipe sur les orientations stratégiques et une vision positive du président Macky Sall qui a réalisé des performances dans beaucoup de secteurs, économique, social, énergique, hydraulique, infrastructurel, etc. Les Sénégalais, au-delà d’une personne, choisisse aussi un régime, une vision, un programme. Nous avons un programme et une vision qui ont débouché sur un résultat extrêmement important. Le reste, c’est un problème de contexte et de mise en œuvre. Nous avons tous les atouts en termes d’organisation, de présence et de bilan. Par conséquent, au lieu de choisir un nouveau programme (rires), les Sénégalais ont intérêt à consolider un programme déjà mis en œuvre et réussi.
Effectivement, beaucoup de Sénégalais estiment que Macky Sall pourrait être qualifié de «bâtisseur» sur le plan des infrastructures. En revanche, d’autres soutiennent qu’il a pêché sur les libertés individuelles et la consolidation de la démocratie. Est-ce votre avis ?
C’est une perception que je ne partage pas. Si on jette un coup d’œil sur les rapports faits par le Sénégal au niveau des relations des droits humains, à Genève, ceux du ministre de l’Intérieur sur marches, nous sommes à moins de 2 % de manifestations interdites. Cela veut dire que le droit à manifestation est une réalité. Sur les droits humains, parce que les gens évoquent 400 voire 500 personnes arrêtées. Mais qu’est ce que ces personnes ont fait ? Il y a des milliers de Sénégalais dans le secteur politique et qui n’ont jamais été inquiétés, ni arrêtés. Le malheur de Macky Sall, c’est qu’il est arrivé au pouvoir au moment où surgit une génération d’acteurs politiques de genre nouveau, qui n’ont que l’intimidation, la menace, les invectives et les actes violents. A moins avis, c’est une question de salubrité publique. Il faut faire le lavage. Nous avons de sérieux problèmes. La presse peine à travailler parce que personne n’ose donner son opinion. La seule opinion tolérée, c’est celle favorable à Ousmane Sonko et à Pastef. C’est ça aussi la réalité ambiante au Sénégal. Ce qui n’est pas normal dans une démocratie. C’est pourquoi, je soutiens les forces de défense et de sécurité pour le travail remarquable qu’elles sont en train de faire, les ministres de l’Intérieur et de la Justice, le Président de la République. Parce qu’il faut de l’ordre dans ce pays. Il faut que la discipline règne, que la tranquillité publique soit rétablie. On ne peut être en politique et ne pas souffrir les critiques. Nous sommes les premiers à être critiqués par l’opposition. Nous l’acceptons parce que c’est la règle du jeu. Pourquoi l’opposition ne supporterait-elle pas des critiques ? Tout ce qu’elle dit doit être pris comme argent comptant et que les opinions contraires sont à combattre souvent même à abattre ? Ce qui n’est acceptable !
Vous ne trouvez pas paradoxal que malgré le portrait-robot que vous dressez de l’opposition, que les électeurs, donc le peuple, décident d’installer ou presque une cohabitation au sein de l’hémicycle lors des dernières élections législatives ?
Attention ! Dans cette opposition, il y a opposition et opposition. Il y a eu une coalition que je respecte avec des gens sérieux comme Khalifa Ababacar Sall, les Mourchachidines etc. Ils font de la politique. Ce sont des acteurs politiques. Ils ont un discours politique qu’on peut comprendre.
Le problème, c’est Pastef ?
Le problème, c’est Ousmane Sonko ! Le problème du Sénégal en ce moment c’est Ousmane Sonko, ce n’est pas Pastef. C’est lui qui appelle à la rébellion, à mettre le Sénégal à feu et à sang, au Mortal Kombat, au «Thioki Fin». Ce sont des invocations qui n’ont jamais été tenues par un acteur politique. Nous avons eu de grands opposants tels Mahmout Diop, Cheikh Anta Diop et Abdoulaye Wade pour l’histoire contemporaine. Nous n’avons jamais eu ces discours d’une telle médiocrité et d’une telle violence.
Monsieur le Président, l’Assemblée nationale traverse aussi des moments difficiles. Est-il possible de travailler dans ces conditions pour contrôler l’action du gouvernement ?
(Il hésite). Il est évident que l’Assemblée nationale travaille, les commissions fonctionnent. Je reviens d’ailleurs d’une plénière (hier, Ndlr) sur le code de l’environnement. Cela veut dire donc que l’Assemblée nationale travaille, le Gouvernement, les institutions fonctionnent etc. Même si par ailleurs évidemment, dans l’esprit et le cœur de tout Sénégalais, il y a cette peur qui a été installée. Je pourrais même caricaturer, «Peur dans la ville» (titre d’un film avec Jean-Claude Belmondo, sorti en 1975, Ndlr), parce que tout simplement la politique ne doit pas mener à la violence. C’est inadmissible ! Donc, j’encourage les Sénégalais à se ressaisir et le Gouvernement à poursuivre le travail qui doit être le sien : c’est à dire sécuriser les Sénégalais et mettre fin aux ennemis de la République qui veulent installer la terreur, la peur.
Selon certains analystes, le problème du Sénégal réside dans l’hyper-présidentialisme. Etes-vous pour l’équilibre des institutions avec une réduction des pouvoirs du Président de la République et le renforcement des pouvoirs législatif et judiciaire ?
Il y a cette tendance à vouloir faire des réformes pour réduire les pouvoirs du Président de la République. Je rappelle quand même que nous avons fait un référendum en 2001 qui a débouché sur cette nouvelle constitution, un autre en 2016 où le régime présidentiel a été une option forte des populations du Sénégal qui l’ont adopté à plus de 94 %. Ça veut dire que les Sénégalais veulent un régime présidentiel qui fonctionne bien depuis 1963 à nos jours. Depuis cette date, on ne connaît plus de crise politique, institutionnelle qui mette en danger le fonctionnement de nos institutions. Ce confort institutionnel me va très bien. En revanche si demain quelqu’un porte un projet de réforme, il sera soumis aux Sénégalais.
La rupture du cordon ombilicale entre le Parquet et l’Exécutif est considérée comme un gage pour une indépendance de justice ?
Est ce que vous imaginez qu’on puisse faire en sorte que le directeur général des impôts et domaines, celui des douanes, ne puissent pas répondre de la Tutelle, du ministère de l’Economie.
Ce n’est pas la même chose. Ici, on parle de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.
Dans le pouvoir judiciaire, il y a plusieurs administrations. Il y a des greffiers, des magistrats qui sont des fonctionnaires. Des notaires et des avocats qui sont indépendants. Des commissaires etc. C’est un système judiciaire. Toutefois, je comprends ceux qui sont porteurs de cette réclamation ou de cette revendication qui soutiennent qu’il faut que la hiérarchie qui existe entre le Procureur et le ministère de la Justice puisse être éliminée. Ça donne quoi ? Le Procureur est aussi libre que tout autre fonctionnaire du Sénégal. Le procureur ne juge pas. C’est le juge qui n’a aucun lien de soumission avec le Procureur, qui juge, qui arbitre, qui décide. Le Procureur peut demander ce qu’il veut. C’est comme un avocat, mais il n’a aucune influence sur la décision du juge, qui est indépendant, inamovible, autonome et qui ne s’en remet qu’à la loi. Sa décision ne peut être basée que sur la loi. La preuve, dans l’affaire Sweet Beauty, je suis sûr que le Procureur aurait aimé avoir une condamnation pour viols et menaces de mort. Il ne l’a pas obtenu, parce que le juge ne l’a pas suivi.
Source : Sudquotidien