Ousmane Ba, sociologue décortique la violence notée ces derniers temps : «Le champ politique a supplanté les autres domaines d’activités à savoir l’économie, l’éducation»
Des cas de meurtres d’une grande atrocité sont constatés ces derniers temps. Pour l’expliquer, le sociologue Ousmane Ba, pointe du doigt la violence dans le milieu politique qui a eu des conséquences sur la société. Il trouve que l’Etat doit prendre en compte les besoins de la population, surtout les jeunes, pour que la donne puisse être changée.
De plus en plus de meurtres barbares sont déplorés au Sénégal. Comment expliquez-vous ces violences ?
La violence est inhérente à toute société humaine. Une société sans violence n’existe pas, mais une société doit pouvoir mettre en place les stratégies et leviers pour pouvoir la juguler. Ce qu’il faut constater principalement au Sénégal, le champ politique a supplanté les autres domaines d’activités à savoir l’économie, l’éducation… Il est transversal à telle enseigne que quand il y a des retentissements, (le jeu des acteurs, des conflits), on sent l’impact dans les autres activités du quotidien. Le Sénégal se profile vers une présidentielle, cette élection est l’élément déclencheur de cette prolifération de la violence, qu’elle soit verbale, physique ou symbolique.
Quelle est le risque de la persistance de cette violence ?
Cette violence risque de créer une déliquescence des institutions. Les partis politiques sont des associations privées, donc ça ne pose pas de problèmes. Mais si elle touche les instituions, au point qu’on assiste à des conflits, la nation toute entière va en pâtir. La question, c’est est-ce qu’on aurait dû arriver à ce niveau-là ? La réponse, à mon avis, est qu’on n’a pas pu prendre en charge des stratégies nécessaires pour sortir de la Covid-19. De plus, on a eu, entre temps, une augmentation exponentielle de la population.
Quelles sont les solutions qui peuvent être envisagées ?
Les autorités doivent lire de manière attentive et en profondeur le dernier recensement du Sénégal qui dit que la moitié de la population est âgée de moins de 19 ans. Cela veut dire qu’on a une population très jeune. Dans cette jeunesse, on a des adolescents. A partir de ce moment, il faudra s’attendre à toutes sortes de violences, conflits par rapport à leurs besoins. Il faut se poser la question si la croissance économique peut satisfaire cette frange de la société, en termes d’emplois. Il faut aussi se poser la question si la formation est adéquate au monde du travail. C’est tout en cocktail.
Si on veut faire une analyse, il faut qu’elle soit systémique pour comprendre ce que traverse la société sénégalaise. Il faudrait que les pouvoirs publics examinent en profondeur les conclusions des recensements du Sénégal, en essayant de prendre en compte les besoins de la jeunesse et les femmes. Il faut aussi sensibiliser la jeunesse vers le choix des disciplines à courte durée et ne pas aller vers des disciplines qui ne répondent pas aux aspirations et laisser seulement quelques personnes faire des formations continues allant du préscolaire jusqu’au doctorat. Les ressources publiques doivent aussi être réparties de manière équitable ; que chaque Sénégalais s’y retrouve et sente la croissance dans ses poches.
Source : Sudquotidien